Laurent

07 juin 2008

Le chant des mots migrateurs



Certaines années vous font lever les yeux au ciel plus que de raison.
Pour diverses raisons.
En 2004, au cours d'une nuit, je croisai le regard des cieux et je pus voir l'arrivée de mots migrateurs.
Ils élurent domicile dans mon esprit, le temps d'un chant.

* * * * * *

Toi le toit du monde


Mon tout premier regard s'est tourné vers toi.
Tu es le plafont du monde, le toit de tout.
Rien ne peut t'atteindre car tu es dépourvu de limite.
L'éternité, partie intégrante de ta nature, s'est glissée jusque dans la source d'inspiration que tu offres, jusque dans l'étreinte de ton mystère.
Depuis la nuit des temps, ton infinitude fascine et effraie les hommes qui t'ont intégré au coeur de leurs plus illustres légendes et recherches.

L'absence de frontière et d'obstacle qui te caractérise font de toi le tout premier symbole d'un immense fantasme, un état de plénitude que personne ne parvient à atteindre de son vivant. Seuls tes hôtes de toujours, qui de leurs ailes majestueuses et si jalousées te sillonent dans l'allégresse et la légèreté, semblent avoir ce privilège.
Combien d'hommes ont rêvé, rêvent, et rêveront à jamais de te dompter ? Combien d'esprits trop enthousiastes et envieux ont tenté de réaliser les prouesses d'Icare, ce personnage mythique que leurs ancêtres imaginèrent jadis ?
Quiconque ose se mesurer à toi est condamné à un funeste sort auquel tu assistes, impitoyablement indifférent.

Tu domines tout, tes yeux sont partout.
Ton insolente présence ne pourra jamais être prise en défaut.
Tu es le spectateur discret et impassible de notre destin dérisoire.
Imperturbable, tu assistes à nos fulgurants triomphes, et notre inexorable chute.
Tu as tout vu, rien n'est un secret pour toi.

Tu sais tout de mes succès, de mes échecs, de mes joies, de mes peines, de mon impossible quête.
Mais tu sais aussi susciter l'apaisement et la douceur.
Et lorsque la mélancolie s'empare de moi, je me surprends à te regarder avec tristesse, comme si une réponse se dissimulait dans ton immensité pastel.
Personne d'autre ne me connait mieux que toi.
Tu étais là, aux premières loges, lorsque j'ai connu ma première nuit d'amour.
Complice, ton infinie prunelle d'ébène nous as offert le spectacle majestueux d'une constellation d'étoiles dont la lueur caressait nos corps hésitants.

Mes yeux sont en extase devant la palette de couleurs délicates que tu revêts au gré de tes émotions et de tes sentiments.
Car tu as aussi une puissante personnalité, un sacré charisme !
Je sais que deux splendeurs font balancer ton coeur...
Entre la rayonnante sphère de feu, et le troublant croissant d'or, tu hésites.
Tu ne veux blesser personne, tu te sens contraint et forcé de mener une double vie.
Alors, pour mieux cacher tes infidélités célestes, tu nous plonges quotidiennement tantôt dans la lumière, tantôt dans les ténèbres.
Cette situation délicate ne manque pas de te destabiliser, formant stratus et cumulus qui embrument considérablement ton esprit... Et sans doute le notre, aussi.
Quelque-peu effrayé, j'admire avec quelle fulgurance divine tu manifestes ta colère, emportant, foudroyant tout sur ton passage.
Je compatis à ton chagrin que tu expulses violemment en une myriade de larmes qui bien souvent se mêlent aux miennes.
Pour mieux rincer ce bas-monde.

Tu nous accompagnes sur le chemin de la vie.
Beaucoup prétendent que tu es le royaume des dieux, que tu accueilles notre âme enfin en paix.
Ce dont je suis sûr, c'est que mon tout dernier regard, comme le premier, risque de se tourner vers toi.
Sans doute parce-que tu es une magnificence.
La force brute et prodigieuse que nous n'avons pas.

Tu es un fantasme.

Laurent (2004)

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