Laurent

18 mai 2008

Stress en "musique"




Comment créer un bon gros buzz pour son groupe ?
Les petits malins du duo Justice, nouvelle sensation "French Touch" de la scène electro parisienne, ont dû se creuser la tête longtemps...
Epaulés par un réalisateur de clips qui a visiblement un peu trop maté "Ma 6T Va Kracker" de Jean François Richet, "Irréversible" de Gaspar Noé, et "Orange Mécanique" de Stanley Kubrick, nos trois compères ont finalement trouvé la solution-miracle en s'inspirant du destin de ce dernier film: créer le scandale et la polémique pour tenter d'acquérir le statut d'oeuvre culte, par l'intermédiaire d'un sujet des plus sensibles (la délinquance en banlieue), dans un clip à la violence paroxystique... Pas la moindre amorce de scénario: filmé à l'épaule façon docu, on y voit un groupe de jeunes -noirs, forcément- arborant le symbole du groupe, tout casser, violanter, cogner, bruler, avant d'achever le cameraman.

Selon certains fans qui peinent à cacher leur inquiétude, il s'agirait d'une dénonciation virulente de l'image des banlieues véhiculée par les Médias... Les médias ont bon dos !
Si c'est vraiment cela que les médias s'obstinent à montrer, il faut croire que les mecs de Justice et leur réalisateur ont tenu à leur rendre un vibrant hommage !

Pour ma part, ce clip est une récupération à peine déguisée, honteusement opportuniste et complice des images qui, comble du cynisme, stigmatisent notamment des gens de couleur en difficulté sociale.
Comment ces images vont-elles être interprétées par les personnes vulnérables, celles qui ont peur, ou encore celles qui n'ont pas suffisamment accès à la culture ?
Ne constituent-elles pas un cadeau royal pour certains poltiques, tels le FN, qui pointe du doigt cette banlieue-là, cette population issue de l'immigration, etc ?
Il serait également intéressant de se demander ce que les membres du groupe Justice -qui sur le coup aurait dû s'appeler plutot "Auto-Justice"- connaissent vraiment de la banlieue... Y-ont-ils vécu ?

Quant à la musique, elle est nulle.
Il ne suffit pas de savoir bricoler des loops et connaitre les secrets du gros son pour avoir le talent des Daft, Air, Kris Menace ou Fred Falke...
Enfin, la musique a au moins le mérite de s'appeler "Stress", titre qui s'accorde bien avec les images.
Le spectacle provoque en effet un stress intellectuel que j'appelerais par son nom le plus concis: consternation.

L

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La générosité aux enchères



Ca ne date pas d'hier, l'oeuvre caritative est aussi une mode, strass et paillettes à l'appui pour, parait-il, attirer l'attention du plus grand nombre.
Mais récemment, quelques coeurs charitables fort pourvus en espèces sonnantes et trébuchantes, créateurs de grandes associations caritatives autant que maîtres marionnettistes à Wall Street, ont lancé une toute nouvelle tendance.
Aujourd'hui, à l'heure de la victoire écrasante des apparences au détriment du fond, la bonne oeuvre revêt souvent la forme du divertissement con à la télé, telles les consternantes lofteries et autres Dechavânneries de TF1 par exemple. La qualité de ces programmes est telle que la chaîne semble souligner leur intérêt caritatif autant pour se disculper de les diffuser... A moins qu'il s'agisse aussi de faire culpabiliser le spectateur critique devant tant de vacuité. Mais le nouveau concept en vogue qui m'intéresse ici consiste à parer une bonne oeuvre en rendez-vous avec une star mis en vente sur un célèbre site d'enchères en ligne (eBay & consorts).
Conformément au principe de l'enchère donc, seul le plus fortuné et offrant des chalands peut ainsi étancher sa soif de VIP en s'offrant un tête à tête avec son idole Scarlett Johansson, Richard Berry, ou Johnny Depp.
L'intégralité de la somme payée profiterait à une association caritative, tout en créant le buzz au bénéfice du nouveau film ou album de la star qui se prête au jeu.
Ma foi, pourquoi pas ? Tout le monde est content !

En même temps, comment ne pas voir derrière ce concept un effet incroyablement pervers, qui participe des inégalités...
En effet, un des maux de notre époque est un comportement de plus en plus individualiste et indifférent, tourné vers la recherche du profit personnel et immédiat, au détriment d'autrui et de son environnement.
Or dans ce monde où le "chacun pour soi" prévaut, au problème du malheur de ceux qui n'ont rien, des gens qui ont tout n'ont rien trouvé de mieux que d'apporter une réponse anti-solidaire: c'est le plus offrant qui va aider les malheureux, et non le groupe social partageant un lien de responsabilité...
Le principe de vendre une bonne action aux enchères prive forcément les petites bourses de leur participation, et offre en quelque sorte le monopole de la générosité à une seule et même personne fortunée... Welcome in the World Of Individualism and Money !
Nouvelle preuve parmi tant d'autres que les puissants, même de bonne volonté, font la pluie et le beau temps, pendant que le malheur ne cesse de s'alourdir pour d'autres.

En même temps, j'imagine -et je peux le comprendre- que certain(e)s me reprocheront de perdre de vue l'essentiel: plus la somme est importante et mieux c'est pour la bonne oeuvre !
Oui, mais...Non. C'est la solidarité qui me semble être la bonne solution, et l'initiative que je viens d'évoquer n'est pas compatible avec ma conception de ce terme.
Je continue à penser qu'il n'y a pas de "trop petite somme", et que l'édifice de la solidarité se bâtit par l'apport de la pierre de chacun(e), et non de l'unique rocher, aussi immense soit-il, d'un seul individu.

L

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