Cinémotion : L'Empire Du Soleil (Steven Spielberg - 1987)
Le 7 Décembre 1941, l'attaque de Pearl Harbour met un terme à l'insouciance bourgeoise de la concession internationale basée à Shanghaï.
Fils d'un des riches industriels de la colonie, le jeune James Graham voit sa vie et ses rêves bouleversés lorsque il se retrouve séparé de ses parents.
Emprisonné dans un camp, l'adolescent devra user de toute son imagination pour apprendre à survivre...
En 1987, adaptant le roman éponyme de J.G.Ballard, Steven Spielberg l'enfant terrible d'Hollywood signait sans doute un de ses plus beaux films. Il offrait également à Christian Bale alors âgé d'une douzaine d'années -aujourd'hui Batman pour Christopher Nolan- le destin que nous lui connaissons.
Spielberg oblige, les moyens sont là pour soigner la forme, et à l'image des nombreux décors réels grimés pour l'occasion, la fresque historique jouit d'une reconstitution assez époustouflante.
Mais l'Empire du Soleil est l'antithèse de la luxueuse coquille vide, car le film tire toute sa quintessence du parcours initiatique qu'il narre avec justesse et étude de moeurs en filigrane.
Ici le cinéaste met ses tics lénifiants au vestiaire pour disséquer avec sensibilité les tourments humains, à commencer bien sûr par ceux du jeune héros. Impossible par exemple d'oublier la scène faisant suite aux larmes de la séparation lorsque, débarrassé de la vigilance des parents, l'enfant se plait d'abord à fumer la pipe en parcourant à vélo l'intérieur de la demeure familiale tel un Ubu en culotte courte.
Ce gosse de riches qui, au début, rêve et mime la guerre dans sa chambre avec ses petits avions en plastique est un peu le double de Spielberg, cet autre môme gâté et rêveur candide qui se crée des images grandioses...
Aucun clin d'oeil cinéphile du réalisateur n'est donc gratuit: la traversée effrayante en voiture d'un Shangaï poisseux et dangereusement fébrile rappelant presque le Los Angeles de Blade Runner; ou l'errance du gamin devant l'affiche géante de "Autant En Emporte Le Vent" sur un mur lézardé... Autant de scènes superbes pour mieux montrer à quel point, brusquement, c'est l'illusion d'un monde d'apparences qui s'effrite et vole en éclats.
Point de ficelles manichéennes ou de vision unilatérale dans L'Empire Du Soleil. Bridés ou non, tous les yeux sans exception subissent et pleurent la guerre.
La magie du cinéma est bien là, mais ne se substitue jamais à la gravité du contexte.
Aux beaux travellings et panoramiques Spielbergiens sont confrontées les images éprouvantes de ces êtres que l'on voit progressivement décliner tout au long du film. En haillons, de plus en plus faibles et malades (à l'image de la pimpante madame Victor).
Jusqu'au dénouement, la débrouillardise parfois insolente du petit James Graham n'enlève rien à l'âpreté de son périple, et les principaux moments de réconfort se trouvent concentrés dans les petits trafics d'entraide avec les amis et parents de fortune. Mais sur ce dernier aspect aussi, rien ne nous est épargné quant au négatif de chaque situation, systématiquement affublée d'un bon et d'un mauvais coté. Car c'est avant tout le récit d'une volonté de survie extrêmement difficile qui prédomine, et tout le monde est égal devant la souffrance et l'emprisonnement.
Le cinéaste n'hésite donc pas à montrer que même la peur de la Grande Faucheuse réduit à néant classes sociales et surtout vertu, au point parfois d'inciter chacun à s'emparer de la gamelle de son prochain...
Pourtant le film ne sombre jamais dans le catastrophisme, parce que le gamin porte sur ses frêles épaules fantasques tout le poids de l'espoir et d'un optimisme en lutte constante. Comme lui, on a même envie de croire que l'étrange effet de flash dans le ciel -la bombe H sur Hiroshima- , c'est sans doute Dieu qui prend une photo de madame Victor...
Mais derrière l'apparence d'un "happy-end" hollywoodien, Spielberg a encore l'élégance de ne pas mentir: dans les bras de ses parents retrouvés, l'enfant n'est plus, et la caméra s'attarde sur ses yeux en guise d'épilogue.
Il a le regard d'un vieil homme.
Presque d'un mort.
Laurent.
Libellés : cinema, critique de film, ecrits perso
3 commentaires:
c'est pour moi, le plus beau film du cinéma
Par
Unknown, À
10 novembre, 2010 14:03
il reste pour moi , le plus beau film du cinéma
Par
Anonyme, À
10 novembre, 2010 14:05
C'est à mon avis un des meilleurs films de Spielby, un de ses plus émouvants.
(-__-)
Par
Laurent, À
10 novembre, 2010 21:57
Enregistrer un commentaire
Abonnement Publier les commentaires [Atom]
<< Accueil