L'imaginarium de Terry

Vivement Don Quichotte ! C'est la première réaction qui m'est venue après la projection de L'Imaginarium du Docteur Parnassus, dernier film à ce jour de Terry Gilliam.
D'un côté l'oeuvre me conforte dans l'idée que Terry n'a rien perdu de son inspiration visuelle délirante ni de son sens du nonsense, de l'autre j'ai l'impression qu'il s'est un peu empêtré dans les méandres d'un scénario alambiqué.
Il faut dire que l'accouchement du film s'est fait dans la douleur. Avec la disparition brutale, à mi-tournage, de l'acteur principal Heath Ledger, c'est une tragédie qui s'abat et rappelle aussi à quel point la poisse harcèle la carrière de Gilliam. Entre sa brouille avec les producteurs de ses films (Brazil, Les Frères Grimm); les cafouillages de financement et de surcoût pharaonique (Le Baron De Munchausen); le congé-maladie de son Don Quixote de 2000 (Jean Rochefort) précédé de l'engloutissement de son plateau de tournage sous des torrents de boue, l'ex-Monty Python trimballe une sacrée réputation de cinéaste mafré...
Bref, une très grande incertitude sur la survie du Docteur Parnassus s'ensuivit, car comment remanier le scénario en l'absence d'Heath Ledger ? Dans un tel contexte, Gilliam s'en est bien sorti, heureusement aidé par Depp, Farrell et Jude Law qui se succèdent pour reprendre le rôle de Tony. Les trois beaux gosses du Box Office ont quasiment offert leur (courte) prestation par amitié pour Gilliam et pour rendre hommage à leur copain défunt.
L'idée n'est pas absurde, après tout: si passer à travers un miroir magique permet de se retrouver dans un rêve, alors même le visage peut changer selon la facette d'une même personnalité ! La pirouette est astucieuse bien que le remaniement forcé reste perceptible. C'est un peu le paradoxe du film: l'idée séduit mais le traitement est assez improvisé.
En même temps il y a tellement d'énergie, de bonne volonté déployées dans ce film, et chaque comédien(ne), chaque personnage, y est savoureux... Difficile d'en vouloir à Gilliam que l'on sent dans l'urgence, écartelé entre peine et passion, incertitude et détermination. Cet Imaginarium ne fait pas exception à la règle: le pouvoir des rêves reste le thème de prédilection du cinéaste, ou comment mieux comprendre, voire soigner, son réel par l'imaginaire.
Le petit théâtre errant et décrépi du docteur Parnassus est un pied de nez au pragmatisme d'une réalité funeste et matérialiste -incarné par le Diable himself !
Cette roulotte surélevée défie toutes les lois de la physique (et du dieu Castorama); chacune de ses apparitions dans quelques bas-fonds londoniens est un moment de poésie qu'aucun des mondes imaginaires du miroir ne parvient à surpasser.

Le théâtre ambulant et son miroir magique constituent la clé d'un pacte, une lutte acharnée entre le Diable et le Conteur, tous deux en quête d'âmes à rallier à leur cause... Une entreprise extrêmement difficile et incertaine, souvent au bord du précipice, ou carrément dans le décor (au sens propre)... A l'image de l'entreprise humaine vacillante qui, dans la tempête, a donné vie à cet étrange film.
Putains d'années 2000.
L

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