Cinémotion : Rêves (Akira Kurosawa - 1990)
Et voila, ça recommence.
Je sais pas pour vous, mais j'ai toujours un peu de mal avec les bonnes résolutions: je me dis à chaque fois que j'arriverai à les tenir la fois suivante : )
Ah! c'est finalement difficile de s'imposer ce qui, de toute évidence, est "bon" pour soi. Bien plus que ce qui ne l'est pas... Condition humaine, quand tu nous tiens.
Ce week-end par exemple, j'avais prévu de rompre avec le quotidien. M'éloigner du PC. M'oxygéner dans une de nos verdoyantes contrées encore en stock... Mais j'y ai malheureusement trouvé l'orage et la pluie.
Bref, me voila de retour devant l(es) écran(s) pour le jour du seigneur !
Au moins ce PC marche bien, mais avant de l'allumer, je me suis d'abord offert un dépaysement par l'image signé Akira Kurosawa.
J'ai revu les huit rêves d'un petit garçon de 80 ans, l'âge qu'avait en 1989 cet immense cinéaste japonais lorsqu'il les immortalisa sur pellicule... La coincidence voulut qu'il nous quitta huit ans plus tard.

Soleil Sous La Pluie - Le Verger Aux Pêchers - La Tempête De Neige - Le Tunnel - Les Corbeaux - Le Mont Fuji En Rouge - Les Démons Gémissants - Le Village Des Moulins A Eau.
Autant de rêves contés avec une limpidité qui n'a d'égale que la beauté des images dont la composition rappelle celle des estampes japonaises.
Soutenu depuis Kagemusha par les deux imposants admirateurs que sont Spielberg et Lucas, Kurosawa exploite les dernières avancées technologiques de l'époque en matière d'effets-spéciaux pour filmer par exemple son double en train de courir dans les paysages à l'huile de Vincent Van Gogh.
La peinture ayant été un des premiers amours du cinéaste japonais -il la pratiqua jusqu'à sa mort- , Les Corbeaux est un hommage passionné au célèbre peintre hollandais, interprété ici par...Martin Scorcese! Autre poids-lourd du cinéma de qualité et lui aussi grand fan de son homologue nippon.

La structure du film est ainsi celle du film à sketches, un genre qui semble t'il n'a pas été toujours bien compris par la critique. Rêves ne fit pas exception à la règle, et lors de sa sortie, une grande partie de la presse qualifia le film de "mineur", voire "décevant" dans l'oeuvre de Kurosawa.
On lui reprocha notamment la naiveté des images et du message, au même titre qu'une certaine lenteur dans le rythme, l'absence du souffle épique qui caractérisait ses films de samouraïs...
D'un certain point de vue, c'est vrai.
Mais pourquoi ne pas considérer Rêves avec plus de simplicité et moins de références, c'est à dire sans perdre de vue la démarche du maître: il nous raconte visuellement ses rêves, ni plus ni moins, nous offrant un précieux témoignage intime.
De façon très naturelle, le film nous en apprend ainsi beaucoup sur la personnalité profonde du cinéaste.

Dans Soleil Sous La Pluie, un enfant -que l'on devine être le petit Akira- transgresse un interdit: il se cache pour voir les renards se marier dans la forêt.
L'exil forcé sera sa punition.
C'est bien connu, l'interdit fascine et finit par l'emporter. Mais surtout, le cinéaste est un homme qui vit pour l'image, et par analogie, en voyant ce premier rêve, difficile de ne pas penser à l'enfance de Kurosawa dont le destin bascula dans une salle de cinéma, malgré l'interdiction de son père professeur à l'école militaire de l'armée...
Le réalisateur s'exprime d'ailleurs sur la tristesse et l'absurdité de la guerre dans Le Tunnel.
Un officier revenu du champs de bataille, croit voir -au propre, comme au figuré- le bout du tunnel, la fin de l'horreur... Mais les fantomes des disparus qui étaient sous ses ordres le rattrapent. Ils incarnent la torture du sentiment de culpabilité que ressent un homme convaincu qu'il est responsable de leur mort.
"Héros, vous avez eu une mort de chien!" leur dit-il en pleurant avant de les supplier de repartir, nous rappelant que la guerre détruit aussi ceux qui lui survivent.
En dehors des rêves brièvement évoqués et La Tempête de Neige qui fête la volonté de survie de trois montagnards, les autres rêves ont pour fil conducteur le problème de l'anéantissement de l'environnement par l'homme.
Dans Le Verger aux Pêchers, face aux âmes des arbres fruitiers abattus, le petit Akira se défend de pleurer parce qu'il ne peut plus se délecter de leurs pêches: c'est le spectacle des arbres en fleurs qui lui manque, car "s'il est facile d'acheter des fruits, où peut-on acheter tout un verger fleuri ?"
Après le défilé nuptial des renards, le ballet des pêchers. Chorégraphies typiquement japonaises dont le lyrisme célèbre la beauté de la nature.
Et d'une manière générale, Kurosawa est admiratif devant les fleurs et l'harmonie des couleurs qu'elles offrent -ses routes et chemins rêvés en sont le plus souvent bordés.

Mais si le spectacle dans le deuxième rêve se terminait sur une note d'espoir, les angoisses de Kurosawa sur la pollution prennent le dessus et explosent à l'écran dans les cauchemars Le Mont Fuji En Rouge et Les Démons Gémissants.
A la suite de l'explosion d'une centrale nucléaire, le mont Fuji s'écroule, et tout l'archipel sombre dans le néant. Le réalisateur, à présent incarné par un adulte, sorte de touriste candide découvrant le monde de ses rêves, lutte en agitant désespérément sa veste pour repousser les horribles nuages radioactifs technicolorisés.
La peur de la bombe atomique et les ravages du nucléaire reprennent de plus belle dans Les Démons Gémissants, vision de l'enfer dans lequel les hommes, devenus de misérables démons cornés à cause de leurs excès destructeurs, sont condamnés à errer et à se dévorer entre eux...

Pour rompre radicalement avec le pessimisme des rêves précédents, le film se termine avec légèreté sur un beau songe utopique: et si l'homme réapprenait à vivre en totale harmonie avec la nature ?
Dans Le Village Des Moulins A Eau, les habitants vivent au milieu de la forêt avec l'énergie hydraulique et meurent centenaires. Même la mort naturelle y est célébrée comme une fête, voire une leçon de vie, car elle n'est pas considérée comme une fin injuste, mais comme la renaissance d'un cycle.
Peut-être que les hommes seraient plus aptes à accepter l'épilogue de leur existence s'ils ne le précipitaient pas avec les maladies qu'ils se sont eux même créees ?...

Le cinéma est art de l'illusion, art de la suggestion, art d'une symbiose avec d'autres formes de création artistique (musique, peinture, etc...) et Rêves est un de ces rares films qui illustrent si brillamment cette définition.
Le film-poème d'un grand monsieur qui en nous racontant ses rêves soulevait des questions, des inquiétudes universelles et terriblement d'actualité.
Le grand rêve d'Akira l'humaniste était de ne pas quitter ce monde sans avoir un peu d'espoir: l'espoir que les hommes apprendraient à mieux se respecter, et réaliseraient à temps l'urgence de protéger les beautés et les richesses de leur planète.
Si tu nous vois de la-haut Akira, j'espère que tu n'es pas trop déçu... : (
Laurent.
Je sais pas pour vous, mais j'ai toujours un peu de mal avec les bonnes résolutions: je me dis à chaque fois que j'arriverai à les tenir la fois suivante : )
Ah! c'est finalement difficile de s'imposer ce qui, de toute évidence, est "bon" pour soi. Bien plus que ce qui ne l'est pas... Condition humaine, quand tu nous tiens.
Ce week-end par exemple, j'avais prévu de rompre avec le quotidien. M'éloigner du PC. M'oxygéner dans une de nos verdoyantes contrées encore en stock... Mais j'y ai malheureusement trouvé l'orage et la pluie.
Bref, me voila de retour devant l(es) écran(s) pour le jour du seigneur !
Au moins ce PC marche bien, mais avant de l'allumer, je me suis d'abord offert un dépaysement par l'image signé Akira Kurosawa.
J'ai revu les huit rêves d'un petit garçon de 80 ans, l'âge qu'avait en 1989 cet immense cinéaste japonais lorsqu'il les immortalisa sur pellicule... La coincidence voulut qu'il nous quitta huit ans plus tard.

Soleil Sous La Pluie - Le Verger Aux Pêchers - La Tempête De Neige - Le Tunnel - Les Corbeaux - Le Mont Fuji En Rouge - Les Démons Gémissants - Le Village Des Moulins A Eau.
Autant de rêves contés avec une limpidité qui n'a d'égale que la beauté des images dont la composition rappelle celle des estampes japonaises.
Soutenu depuis Kagemusha par les deux imposants admirateurs que sont Spielberg et Lucas, Kurosawa exploite les dernières avancées technologiques de l'époque en matière d'effets-spéciaux pour filmer par exemple son double en train de courir dans les paysages à l'huile de Vincent Van Gogh.
La peinture ayant été un des premiers amours du cinéaste japonais -il la pratiqua jusqu'à sa mort- , Les Corbeaux est un hommage passionné au célèbre peintre hollandais, interprété ici par...Martin Scorcese! Autre poids-lourd du cinéma de qualité et lui aussi grand fan de son homologue nippon.

La structure du film est ainsi celle du film à sketches, un genre qui semble t'il n'a pas été toujours bien compris par la critique. Rêves ne fit pas exception à la règle, et lors de sa sortie, une grande partie de la presse qualifia le film de "mineur", voire "décevant" dans l'oeuvre de Kurosawa.
On lui reprocha notamment la naiveté des images et du message, au même titre qu'une certaine lenteur dans le rythme, l'absence du souffle épique qui caractérisait ses films de samouraïs...
D'un certain point de vue, c'est vrai.
Mais pourquoi ne pas considérer Rêves avec plus de simplicité et moins de références, c'est à dire sans perdre de vue la démarche du maître: il nous raconte visuellement ses rêves, ni plus ni moins, nous offrant un précieux témoignage intime.
De façon très naturelle, le film nous en apprend ainsi beaucoup sur la personnalité profonde du cinéaste.

Dans Soleil Sous La Pluie, un enfant -que l'on devine être le petit Akira- transgresse un interdit: il se cache pour voir les renards se marier dans la forêt.
L'exil forcé sera sa punition.
C'est bien connu, l'interdit fascine et finit par l'emporter. Mais surtout, le cinéaste est un homme qui vit pour l'image, et par analogie, en voyant ce premier rêve, difficile de ne pas penser à l'enfance de Kurosawa dont le destin bascula dans une salle de cinéma, malgré l'interdiction de son père professeur à l'école militaire de l'armée...
Le réalisateur s'exprime d'ailleurs sur la tristesse et l'absurdité de la guerre dans Le Tunnel.
Un officier revenu du champs de bataille, croit voir -au propre, comme au figuré- le bout du tunnel, la fin de l'horreur... Mais les fantomes des disparus qui étaient sous ses ordres le rattrapent. Ils incarnent la torture du sentiment de culpabilité que ressent un homme convaincu qu'il est responsable de leur mort.
"Héros, vous avez eu une mort de chien!" leur dit-il en pleurant avant de les supplier de repartir, nous rappelant que la guerre détruit aussi ceux qui lui survivent.
En dehors des rêves brièvement évoqués et La Tempête de Neige qui fête la volonté de survie de trois montagnards, les autres rêves ont pour fil conducteur le problème de l'anéantissement de l'environnement par l'homme.
Dans Le Verger aux Pêchers, face aux âmes des arbres fruitiers abattus, le petit Akira se défend de pleurer parce qu'il ne peut plus se délecter de leurs pêches: c'est le spectacle des arbres en fleurs qui lui manque, car "s'il est facile d'acheter des fruits, où peut-on acheter tout un verger fleuri ?"
Après le défilé nuptial des renards, le ballet des pêchers. Chorégraphies typiquement japonaises dont le lyrisme célèbre la beauté de la nature.
Et d'une manière générale, Kurosawa est admiratif devant les fleurs et l'harmonie des couleurs qu'elles offrent -ses routes et chemins rêvés en sont le plus souvent bordés.

Mais si le spectacle dans le deuxième rêve se terminait sur une note d'espoir, les angoisses de Kurosawa sur la pollution prennent le dessus et explosent à l'écran dans les cauchemars Le Mont Fuji En Rouge et Les Démons Gémissants.
A la suite de l'explosion d'une centrale nucléaire, le mont Fuji s'écroule, et tout l'archipel sombre dans le néant. Le réalisateur, à présent incarné par un adulte, sorte de touriste candide découvrant le monde de ses rêves, lutte en agitant désespérément sa veste pour repousser les horribles nuages radioactifs technicolorisés.
La peur de la bombe atomique et les ravages du nucléaire reprennent de plus belle dans Les Démons Gémissants, vision de l'enfer dans lequel les hommes, devenus de misérables démons cornés à cause de leurs excès destructeurs, sont condamnés à errer et à se dévorer entre eux...

Pour rompre radicalement avec le pessimisme des rêves précédents, le film se termine avec légèreté sur un beau songe utopique: et si l'homme réapprenait à vivre en totale harmonie avec la nature ?
Dans Le Village Des Moulins A Eau, les habitants vivent au milieu de la forêt avec l'énergie hydraulique et meurent centenaires. Même la mort naturelle y est célébrée comme une fête, voire une leçon de vie, car elle n'est pas considérée comme une fin injuste, mais comme la renaissance d'un cycle.
Peut-être que les hommes seraient plus aptes à accepter l'épilogue de leur existence s'ils ne le précipitaient pas avec les maladies qu'ils se sont eux même créees ?...

Le cinéma est art de l'illusion, art de la suggestion, art d'une symbiose avec d'autres formes de création artistique (musique, peinture, etc...) et Rêves est un de ces rares films qui illustrent si brillamment cette définition.
Le film-poème d'un grand monsieur qui en nous racontant ses rêves soulevait des questions, des inquiétudes universelles et terriblement d'actualité.
Le grand rêve d'Akira l'humaniste était de ne pas quitter ce monde sans avoir un peu d'espoir: l'espoir que les hommes apprendraient à mieux se respecter, et réaliseraient à temps l'urgence de protéger les beautés et les richesses de leur planète.
Si tu nous vois de la-haut Akira, j'espère que tu n'es pas trop déçu... : (
Laurent.
Libellés : cinema, critique de film, ecrits perso
2 commentaires:
Bonsoir,
je cherche ce film depuis...bouuuu
je ne sais plus !
Enfin je ne l'ai jamais visionné, je ne connais même pasle réalisateur, mais comment vous expliquez l'inexplicable ! Rien qu'en voyant cette image j'ai sus ce que contenait ce film ! Je parle d'image, car en fait c'est une carte postale qu'un jour j'ai acheté instinctivement sur les quais à Paris et ... voilà je voulais, je sais pas dire cela à quelqu'un, et je suis ravie de vous l'avoir dit à vous car vous connaissez ce film !
Michelle-Christine
Ps si vous connaissez qq un qui vends la K7 je suis acheteuse, merci
Par
Anonyme, À
26 janvier, 2008 00:34
Bonsoir Michelle-Christine,
D'abord merci pour votre commentaire qui me fait très plaisir.
Je vous conseille vivement de voir ce film empreint d'une grande poésie, excellente entrée en matière pour découvrir l'univers intime de ce grand cinéaste japonais.
Je ne connais malheureusement personne qui vendrait la cassette, ce support se faisant très rare en raison du DVD qui occupe le marché. En revanche, vous pouvez donc trouver assez facilement le DVD de Rêves (FNAC, etc) qui d'ailleurs rend justice à ses qualités visuelles et sonores. Il est aussi disponible dans certains magasins sur le web tels que Amazon:
http://www.amazon.fr
Bien à vous,
Laurent
Par
Laurent, À
29 janvier, 2008 23:28
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